Portrait de Robbie Fowler : Fowler Power.

Ce mois-ci, le légendaire Robbie Fowler a fêté ses 40 printemps. L’occasion est donc toute trouvée pour le Liverpool France de revenir sur le parcours hors-du-commun de ce joueur aussi excentrique que talentueux. Dans les traces d’une divinité qui aura marqué toute une génération.

La découverte du prodige

Robbie est un enfant du coin. Né à Liverpool, il se nourrit dès son plus jeune âge de la ferveur sportive autour des deux clubs de la ville que sont Liverpool et Everton, ainsi que de la rivalité -toutefois saine- entre eux. Et d’une manière presque évidente, il faut dans ce contexte-là savoir choisir son camp. Pour Fowler, c’est tout tracé : son cœur balance pour les Toffees. Tout comme Jamie Carragher, Michael Owen ou encore Ian Rush, son enfance brillera d’une petite flamme bleue. Il avouera même avoir longtemps détesté le moustachu Welsh Wizard pour son insolente réussite dans les Merseyside Derbies. Pourtant et à l’instar de ces derniers, sa carrière le verra surtout briller sous la tunique frappée du Liverbird.

Tout démarre au cours d’un match U14 avec l’équipe de son école. Derrière les barrières et posé en observateur, Jim Aspinall, chargé du scouting pour le club rouge de Liverpool et qui aura notamment fait la découverte de McManaman quelques temps plus tôt se délecte du match d’un œil attentif. Très vite, son regard se pose sur un gamin aux qualités techniques individuelles supérieures à la normale. Un certain Robert Bernard Fowler, issu d’un quartier modeste où les maîtres-mots sont chômage et misère sociale. Aspinall disait de lui qu’ « il savait quand et où distribuer les ballons » tout en ayant « un délicieux toucher de balle ».

Jim n’hésite pas et lui propose de rejoindre les rangs de l’Academy. Banco. Le processus est en cours, la mutation s’amorce et l’amour entre le club et lui ne cessera de grandir jour après jour, oubliant peu à peu son amour de jeunesse evertonien. L’année de son 17ème anniversaire, il signe son tout premier contrat professionnel. £29,50 par semaine et le sentiment d’être « la personne la plus chanceuse du monde ». Il explique même que « si le club lui avait dit de payer pour pouvoir jouer, il aurait accepté ».

Cette même saison, King Kenny était aux commandes du club. Robbie raconte : « Alors que j’étais encore écolier, Kenny Dalglish me déposait de temps en temps chez moi à la fin des entraînements. J’étais tellement impatient de retrouver mes copains d’école et de leur raconter ce qui venait d’arriver ! ». Pour autant, ses premiers instants footballistiques interviendront sous la direction de Graeme Souness, Dalglish ayant posé sa démission en février 1991, mettant en avant le fait qu’il n’avait pas supporté l’impact et la pression dégagée autour de la tragédie de Hillsborough.

Fowler enfile donc le maillot de Liverpool pour la première fois le 22 septembre 1993 devant 13,599 spectateurs à Craven Cottage pour un match de Cup. Très précoce, il profite de l’occasion pour inscrire son tout premier but après que Don Hutchison balance le ballon de la droite dans la surface de réparation. Au second poteau, Fowler ajuste un plat du pied du gauche qui ne laisse aucune chance au gardien adverse et vient enterrer les derniers espoirs de Fulham (1-3).

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Un scoreur hors pair

Robbie a toujours fait preuve d’un grand sens du but. Redoutablement efficace dans la zone des 16 mètres, il aura fait trembler nombre de filets dans nombre de stades. Pour le match retour de Cup face à Fulham, c’est lui qui inscrira les 5 buts de son équipe, performance faisant de lui le 5ème joueur de Liverpool à la réaliser. Après ce match, il raconte avoir reçu « un gros bisou de sa maman quand  [il est] rentré chez lui». Un gamin talentueux, mais un gamin, encore.

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Plus tard face à Southampton, il s’offre un coup du chapeau lors de son 5ème match de championnat. Celui qui débutera sa carrière avec le flocage 23 sur le dos crée sa légende d’une manière spectaculairement rapide. Après 15 matchs, Fowler totalise déjà 13 pions. Torres, Suarez ou Sturridge n’auront pas fait mieux. Sa popularité est telle sur les bords de la Mersey qu’il est vu comme le « God » aux yeux des supporters, n’hésitant pas à scander que « peu importe ce que fait l’adversaire, Dieu est dans notre équipe ».

En 1994, sa majesté entre encore un peu plus dans l’Histoire du club en inscrivant le hat-trick le plus rapide jamais vu en Premier League. Liverpool accueille alors l’Arsenal de George Graham pour le compte de la 2ème journée de championnat. Les débats sont plutôt équilibrés, les deux gardiens David (Seaman et James) repoussant tour à tour les offensives adverses. Puis intervient la 26ème minute de jeu.

Après un coup de pied arrêté et une tête de Rush au duel avec Keown, le ballon file dans les pieds de Fowler à bout portant qui ne se laisse pas prier pour ouvrir la marque. Le Fowler time est lancé.  Quelques instants plus tard, Arsenal se fait avoir sur une contre-attaque menée par McManaman. Ce dernier fixe la défense et glisse le ballon à Fowler. Sa frappe passe entre les jambes du malheureux Dixon avant de taper le poteau opposé et de terminer sa course dans les filets. Le public est en liesse mais n’a pas le temps de se remettre de ses émotions.

A peine 2 minutes plus tard, Robbie remet ça. « David Seaman cannot believe it », s’exprime alors le commentateur anglais. Au total, il aura fallu 4’33’’ soit 273 secondes au God pour « exploser » Arsenal et « écrire un nouveau chapitre d’Anfield », comme l’explique le Daily Mirror. En fin de match, il réagira sobrement : « les buts sont venus tellement rapidement. J’ai pensé qu’ils étaient chacun espacés de 15 minutes ! ».

Plus généralement, que cela soit dans la première partie de sa carrière à Liverpool ou lors de son retour au club en 2006, Fowler aura toujours fait preuve d’une efficacité sans faille. Entre le début de saison 94 et la fin de la saison 97, Fowler aura marqué dans 64% des matchs pour Liverpool qu’il a disputé, soit près de 2 matchs sur 3. Avant que Steven Gerrard ne vienne le dépasser, Fowler trustait même le top5 des meilleurs buteurs du club avec 183 réalisations.

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Il n’était pas qu’un buteur de pacotille contre les petits clubs mais savait faire renverser les foules dans des matchs capitaux comme face au rival mancunien alors en plein essor à ce moment-là. En 1995, il inscrit un doublé à Old Trafford permettant aux Reds de mener au score avant que Canto, de retour de 8 mois de blessure ne remette les compteurs à zéro. A cette époque, il était sans aucun doute l’un des attaquants les plus efficaces d’Europe et du Monde et atteindra la barre des 100 pétards en 165 matchs, soit un de moins et de mieux que Ian Rush.

Une fragilité récurrente

Le talent du gamin de Liverpool au désormais maillot floqué du numéro 9 depuis 1996 n’a jamais réellement fait débat outre-manche. Efficace dès ses premiers matchs, son triplé express face à Arsenal en 94 laissait même les médias et l’ensemble des joueurs s’emballer dans l’expectative d’un futur crack pour le club et la sélection anglaise.

Malheureusement, les blessures auront souvent le dernier mot dans l’ensemble de la carrière de Growler. Il expliquera d’ailleurs au Mirror au lendemain du clash contre Arsenal que sa plus grande déception reste « sa blessure au genou de la saison passée alors que tout se passait très bien pour lui ». Heureusement jeune et encore costaud, il saura se remettre de sa blessure assez rapidement. Mais plus tard, il subira des déconvenues qui n’auront hélas pas le même impact sur lui.

L’une des blessures qui restera comme marquante dans la carrière du God reste celle survenue au cours d’une rencontre face à Everton en février 1998. Dans les dernières minutes du match, un contact malvenu et un peu trop rugueux avec le keeper Thomas Myhre met fin à sa saison. L’attaquant de 22 ans réagira : « C’est un coup terrible pour moi et manquer également la Coupe du Monde est un désastre absolu ».

Cette blessure suit une période délicate pour le joueur qui n’avait pas marqué sur les 8 derniers matchs de championnat et avait manqué l’appel de la sélection quelques temps plus tôt face au Chili. Avec sa blessure, c’est finalement son coéquipier en club Mickael Owen qui reçoit le ticket pour la plus grande compétition footballistique existante. Un choix logique au vue des performances du jeune gamin et ses 18 buts en championnat à seulement 19 ans. Cette fragilité le laissera bien souvent rater le coche des sélectionnés, faisant de lui un joueur au talent extraordinaire mais ne totalisant au final que 26 sélections.

Fowler enchaîne donc les petites blessures qui l’empêchent constamment de préparer au mieux les débuts de saisons ou alors lui cassent le rythme en milieu de saison. C’est le cas pour la saison 1999/2000 puis 2000/2001. En parallèle, l’émergence du petit génie et futur Ballon d’Or Mickael Owen rend difficile pour lui la possibilité d’obtenir du temps de jeu régulièrement. Ce dernier s’installe de plus en plus comme étant l’élément référence sur le front de l’attaque.

Finalement, ses mauvaises performances physiques ne l’empêcheront pas de remporter le quintuplé historique avec Gérard Houllier en 2001, mais il ne pourra participer qu’à l’une d’entre elles. Triste constat pour un compétiteur du niveau de Fowler qui quitte le club à l’issue de cette saison en lançant une pique à tous les détracteurs de Liverpool : « Au-delà des trophées glanés et de notre 3ème place, nous avons battu par deux fois nos plus grands rivaux Everton et Manchester United, ce qui n’a jamais été fait auparavant. Certains ont balancé sur Liverpool cette année. J’espère qu’ils ravalent leur parole désormais ». Et toc !

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Excentricité et provocation

Robbie Fowler n’a jamais été un grand bavard. Ou alors, il le fait avant de partir. Pour autant, il a de nombreuses choses à dire et à évoquer. Personnalité connue du grand public, son influence n’est pas négligeable. Grand buteur, Fowler a ainsi choisi la voie de la célébration plutôt que celle des tabloïds anglais pour évoquer ses ressentis sur telle ou telle situation. Tout au long de sa carrière, God nous aura marqué par ses diverses dérives et ses choix sportifs, parfois limites, parfois drôles, parfois étranges. Il se fait pour la première fois remarquer en 1997, pour un quart de finale retour de C2 face à Brann Bergen, à Anfield.

 

A l’époque, voilà déjà deux ans que les Dockers de Liverpool sont en grève pour des revendications salariales. Enfant de Liverpool et d’un quartier difficile, celui-ci se sent concerné par cette grève qui verra 500 dockers se faire licencier. Il profitera donc de l’occasion de scorer face aux norvégiens pour soulever son t-shirt Calvin Klein et afficher un message de soutien : « doCKers : viré depuis 1995 ». Il se verra sanctionné pour ce geste politique, alors que deux jours plus tôt, la FIFA le félicitait pour son geste de fair-play après un penalty sifflé face à Arsenal et qu’il niait auprès de l’arbitre.

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Quelques temps plus tard en avril 1999, il se fait une nouvelle fois remarquer après que des supporters d’Everton l’aient raillé sur des prises éventuelles de cocaïne en 1999. Robbie Fowler répondra à sa manière au cours du derby de la Mersey après avoir inscrit un but sur penalty. Robbie s’empresse d’aller sniffer la ligne de sortie de but face aux supporters d’Everton à la manière d’un cocaïnomane.

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6 minutes plus tard, il doublera même la marque pour les Reds qui finiront par l’emporter 3-2. L’histoire est encore plus belle quand on se souvient que Fowler était un ancien supporter des Toffees. A la suite de cet incident, son entraîneur Gérard Houllier le défendra comme il pourra en disant qu’il essayait seulement de manger la pelouse. Cette tentative de protection ne l’empêchera pas de purger une suspension de 4 matchs ainsi qu’une amende de la part de la FA et du club.

Plus généralement, l’excentricité de ce personnage atypique se retrouve aussi dans ses choix sportifs tel que son retour à Liverpool en 2006 alors que personne ne pouvait s’attendre à le voir reposer les pieds sur les bords de la Mersey à cet instant de sa carrière. Ou encore sa fin de carrière dans des pays exotiques tel que l’Australie ou la Thaïlande.

Son départ là-bas fait de lui l’un des tout premiers grands joueurs à tenter une aventure dans un championnat mineur autre que les Emirats et à l’envie de le promouvoir du mieux possible. Ce départ à Bangkok a d’une autre part grandement contribué à l’essor de Liverpool au sein du marché asiatique. Fowler aura donc tout au long de son immense carrière marqué toute une génération par ses célébrations, ses frasques, et aura toujours conservé un amour sans faille envers ce club qui aura offert ses premières émotions à cet amoureux du ballon rond.

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Bruno Pessiot